On croyait tout savoir de la légende biblique de David et Goliath. Symbole de la victoire du faible contre le fort, de l'intelligence contre la force, ce duel à l'issue inattendue est un des mythes les plus connus, qui a déjà inspiré quantité de peintres et de poètes. Pourtant, Tom Gauld, qui avec ce magnifique ouvrage en bichromie, riche et plein de tension, faussement minimaliste, entre enfin dans le catalogue de L'Association, renouvelle le mythe et en donne une version surprenante et émouvante. Dans la lignée de sa « revisitation » du mythe de l'Arche de Noé vu par ses fils (paru dans Kramer's Ergot 6), il fait revivre le combat en suivant Goliath et son écuyer.
Qui est Goliath ? Pourquoi a-t-il été choisi pour le duel fatidique ? Parce que c'est un géant et qu'il fait peur avec sa grande armure. Malheureusement pour lui, c'est tout et cela ne suffira pas face à la volonté divine. Prenant le point de vue du géant contre le berger, Tom Gauld nous offre un portrait de Goliath en victime - de son armée, de Dieu, ou de la malchance.
HP est une grande fresque ayant pour sujet le milieu de la psychiatrie en France de-puis les années soixante jusqu'aujourd'hui. C'est par le petit bout de la lorgnette que Lisa Mandel choisit de raconter cette évolution historique, interrogeant parents et amis qui ont travaillé dans le secteur psychiatrique. Le caractère anecdotique de HP, ajouté au dessin léger et humoristique de Lisa Mandel, aurait pu édulcorer le propos, mais la véracité des faits est parfois si atroce ou si absurde que ce livre ne laissera personne indifférent.
Dans ce deuxième volume, Lisa Mandel poursuit son exploration de l'histoire du mi-lieu psychiatrique en France. Ses parents et leurs amis ont chacun été affectés dans des services différents, certains adoptant des méthodes dites d'« avant-garde ». L'auteure aborde ici une période clé pour la psychiatrie qui sort de ses archaïsmes pour aller vers de nouvelles pratiques. Les années 70 ouvrent une période de libéra-tion morale, qui touche aussi le monde médical. Encore une fois Lisa Mandel s'ap-puie sur les témoignages de ses proches ayant travaillé dans cet univers. C'est la rencontre entre le dessin léger et humoristique de Lisa Mandel et la gravité des faits rapportés qui fait tout l'intérêt de ce second opus.
À peine remise de la parution du tome 1 de Dungeon Quest en octobre dernier, livre qui était en quelque sorte son premier ouvrage de "Fantasy", L'Association publie déjà le deuxième tome de cette trilogie, toujours en avant-première sur la future édition américaine de Fantagraphics.
Les lecteurs ayant apprécié cette histoire inspirée de l'univers des jeux de rôles, aux parfums ésotériques et psychédéliques, ne seront pas déçus par la suite de la Quête : Joe Daly continue à dérouter son lectorat en parasitant allègrement les poncifs du genre, avec des scènes hallucinantes qui lui sont a priori totalement antinomiques. Néanmoins, on n'est pas ici dans la parodie : l'épopée vécue par Millenium Boy, Steve, Lash Penis et Nerd Girl relève d'un premier degré tout personnel du Sud-Africain Joe Daly. Dans ce deuxième volume, la mission de "trouver Bromedes" sera accomplie ; mais la "reconstitution de la Guitare Atlantéenne" devra attendre le troisième et dernier épisode de la trilogie...
Joe Daly revient avec un troisième tome deux fois plus épais que les précé-dents, qui devrait combler les fans de l'unique série d'héroïc fantasy de L'Association. Dans ce troisième chapitre intitulé Le Golem vapeur, le lec-teur retrouvera Millenium Boy, Steve, Lash Penis et Nerd Girl, que Maître Bromedes initie aux mystères de l'Atlantide. Ils devront ensuite mener plusieurs quêtes, qui les entraînent dans Rufford Park et jusqu'au plateau Zuur. Un cinquième membre se joint à eux et Lash se découvre de nou-veaux pouvoirs. Mais leur périple ne sera pas de tout repos puisqu'ils de-vront faire face à de nombreux dangers, à la Orangutan Daydream, aux womrax et à l'enlèvement d'un des leurs. La route est encore longue pour nos héros.
Le lecteur pourra également lire dans ce volume, le Livre Romiche de la Mort, qui l'instruira sur l'histoire et les rites mystiques du monde de Dun-geon Quest.
À la suite d'un abominable bad trip qui lui fera trouver refuge six pieds sous terre, Jean de l'Ours erre à la recherche de sa mère dont il a été séparé dans le tome précédent. En cours de route, il fera la connaissance d'une bande de nains mineurs, d'une belle bergère et de son bouc ombrageux, d'une tripotée de punks ou encore d'un castor glouton veillant jalousement sur son garde-manger. On l'aura compris, le Jean de l'Ours de Mattt Konture et Jacques Velay évolue dans un univers où contemporain et merveilleux se trouvent mêlés. Les pages denses, grattées par la plume et saturées de rocaille, de terre et de vibrations, semblent imprégnées autant de ce monde sylvestre que des émotions de Jean de l'Ours. Créature légendaire née d'un ours et d'une femme, Jean de l'Ours est aussi un jeune adolescent qui apprend à maîtriser sa double nature, animale et humaine : candide, il arrive que sa propre force le dépasse et qu'il se laisse emporter par ses pulsions... Jean de l'Ours 3 est le dernier tome d'une trilogie entamée en 2010 par Mattt Konture et Jacques Velay.
Mattt Konture et Jacques Velay poursuivent leur version revisitée du célèbre conte occitan, Jean de l'Ours. Alors que le premier tome s'achève sur la naissance de ce dernier, nous apprendrons dans ce second tome comment Jean de l'Ours deviendra orphelin, comment livré à lui-même, il va partir à la découverte du monde et surtout des hommes et comment lui, l'homme-animal, devra faire face à leur brutalité.
Une variante moderne où Jean de l'Ours, après bien des errances va faire la rencontre initiatique d'un couple de punks néo-ruraux qui l'accueilleront dans leur yourte. Un séjour qui va arracher Jean à son innocence et sonner comme un véritable passage à l'âge adulte.
Mattt Konture, qu'on ne présente plus, et Jacques Velay, son camarade de l'ex-fanzine La Table, de Montpellier (Fuméti d'un fumiste en collection Mimolette, Lapin) ont réalisé ensemble ce Jean de l'ours : vu les auteurs, on pourrait s'attendre à un manifeste punk et destroy, mais on a ici affaire à ce qui ressemble à une bande dessinée presque classique. Presque... Car si tout commence comme une aimable fiction bucolique de couple en vacances, admirablement dessinée par un Mattt Konture en pleine forme, prenant un plaisir évident à dessiner la végétation, les rochers ou les arbres, le récit part lentement mais sûrement vers des turbulences particulières. Au moment de tranquillement planter leur tente dans un coin rêvé de Lozère, la femme du couple est enlevée par un ours, et il ne semble pas que cela s'avère si malencontreux. Quant à l'homme, il va lui arriver d'autres espèces de choses particulières.
Un livre insolite et décalé au sein de la bibliographie de Mattt Konture, et un Velay bien différent de ses Fuméti anarcho-lyriques.
Cet album décrit, sans tabou et avec humour, les affres de l'adolescence à travers les mésaventures d'un collégien.
Dans Les Amis (2008), François Ayroles mettait à rude épreuve l'amitié. N'en ayant pas fini avec les bons sentiments, il règle désormais ses comptes avec l'amour.
Si L'Amour sans peine prend bien l'amour pour sujet, point de peines de coeur car il n'y a pas plus d'histoires d'amour que d'amoureux. Et l'amour est en fait l'arlésienne qui occupe une galerie de personnages, qu'ils l'attendent, le cherchent, ou au contraire qu'ils s'en méfient et s'en détour-nent, ils n'ont de cesse de gloser sur ce sentiment qui nous traverse tous.
À force de saynètes grotesques ou absurdes mais toujours drôles, François Ayroles révèle avec l'hu-mour flegmatique qu'on lui connaît, toute la subtilité des petites faiblesses et maladresses aux-quelles mène immanquablement ce noble sentiment.
Après Quatre Yeux (Atrabile) et Insekt (Sarbacane) Sascha Hommer illustre six récits de Brigitte Kronauer, auteure allemande majeure traduite pour la première fois en France. Des récits que l'on pourrait qualifier de poèmes en prose, et qui abordent des souvenirs d'enfance, de sensations et de perceptions. Le trait net et épuré de Sascha Hommer dérange et contraste avec les réflexions mélancoliques de Brigitte Kronauer. Posée comme une goutte de rosée sur une toile d'araignée, l'écrivaine restitue à merveille le sentiment d'humilité et de petitesse que l'on éprouve face à l'univers. Elle rend compte d'une puissance supérieure qui régit la nature, gronde au loin, et qui nous dépasse. Sascha Hommer s'est attaqué avec ce livre à un défi péril-leux : non pas réaliser une simple adaptation, mais transmettre en bande dessinée une écriture du ressenti et de la sensation.
Dri Chinisin est un livre envoûtant, alliant subtilement dessin et littérature.
Dans Elle, Masse revient avec un personnage de « bonhomme à gros nez » qui évo-lue dans une série de strips au dessin épuré. « Il ne peut l'avoir tuée. Il l'aimait. Trop, peut-être » prévient l'introduction et pourtant, installé sur un fauteuil qui fait office de cellule, le personnage purge bien une peine de prison. Ce fauteuil devient alors le théâtre des variations de la solitude et de l'ennui, une lorgnette qui dérègle la réalité où « le dehors du monde est maintenant retourné comme une chaussette dans le dedans de [La] prison ». Dans cet univers carcéral étrange et dévoyé, ce personnage au langage rudimentaire et laconique, use d'un humour déroutant, se joue du lecteur et de lui-même. Masse aime se jouer de son média ; "Elle", dont l'identité n'est jamais dévoilée, rappellera une certaine « dame assise » et pourra laisser penser que l'on rencontre ici son pendant masculin désabusé et esseulé.